Pour avoir eu une enfance atypique, semée de déchirements et de désillusions, Michel Hervoche a choisi de relater son parcours dans une envie de partage mais aussi, sans doute, dans une démarche thérapeutique. Dire les choses une fois pour toute pour se sentir plus léger, écrire les choses pour témoigner sur une institution et ses méthodes.

Michel Hervoche est un pupille de la Nation et l’institution en question est l’Assistance publique. Mais il ne s’agit pas d’un livre vengeur ou assassin car l’auteur n’en veut à personne, ni à sa mère de n’avoir pas su garder ses enfants ni à l’administration de l’avoir séparé de ses frères et de sa sœur. Il explique avec la plus grande objectivité ce que fut le parcours d’un gosse de l’Assistance dans les années cinquante.

La force de cette autobiographie réside précisément dans le décalage entre la violence des faits rapportés et l’écriture pudique presque sereine, sans rancune ni rage de l’auteur. Michel Hervoche évoque son enfance, son adolescence et sa vie de jeune adulte comme s’il en avait été le spectateur. Et c’est toujours dans la modération qu’il souligne les qualités qui font de lui une belle âme ou les injustices dont il fut, lui et sa fratrie, victime.

Dès la première page, le lecteur se laisse happer par l’histoire et attendrir par ce gamin qui n’a rien demandé et qui ne se plaint jamais. D’une nourrice cupide à un patron qui l’exploite, il navigue de familles d’accueil en foyers. Ses rencontres hautes en couleur lui font croiser des profiteurs, des escrocs à la petite semaine, des êtres rudes et sans cœur mais heureusement, la vie réserve aussi de belles surprises même à ceux qui semblent avoir été abandonnés par leur bonne étoile. Ainsi quelques belles rencontres et son caractère posé sont autant d’ingrédients qui ont permis à ce gamin de passer entre les mailles de la délinquance et de la rébellion. Excepté quelques éclats de colère où il ne fait que dire la vérité, Michel Hervoche a docilement subi sa situation. Il était un enfant travailleur et courageux et même s’il portait un regard lucide sur ceux qui l’entouraient, il n’a jamais cédé à l’apitoiement. Étrangement, c’est le lecteur qui a envie de se révolter, de dénoncer l’injustice mais surtout de se pencher sur cet enfant et lui donner la tendresse et l’affection qu’il réclame parfois à mots couverts. Derrière les lignes de cet ouvrage, se cachent une leçon de vie et un message plein d’optimisme. Tout est possible, même le meilleur pour ceux qui ne sont partis de rien. Certains vont se vautrer dans le fatalisme et stagner jusqu’au bout dans leur vie médiocre et d’autres, comme Michel Hervoche, vont choisir de relever la tête, se battre et faire de leur existence promise au pire un joli conte.